Appel à communications

Le travail en éducation et formation

L’objectif du colloque RUNED 24 sera double. D’une part poursuivre les échanges et la structuration des perspectives critiques sur le numérique en éducation et formation, en conservant l’étendue et la variété de ce que cela peut recouvrir : de la maternelle à l’université, en formation initiale et continue, en contexte formel et informel, pour les chercheurs et praticiens-chercheurs. D’autre part, inviter à aborder le numérique dans ses différentes dimensions1 sous l’angle du travail en contexte éducatif et de formation pour tous les acteurs concernés. Il s’agira d’y réfléchir en dépassant le déterminisme technologique qui se renouvelle encore dans ses traductions selon les objets entre panique (l’IA tuera le travail des enseignants) et angélisme (la classe inversée sauvera le travail scolaire).

Ainsi, ce colloque propose de s’intéresser dans une perspective critique à la diversité des transformations du travail et leurs effets spécifiquement dans le monde de l’éducation et de la formation.  La réflexion proposée se décline en trois axes explicités ci-dessous et qui pourront faire l’objet de propositions de communication ou de symposium, chacun sous l’angle des enjeux politiques et sociaux, ou épistémologique, ou méthodologique. Cette thématique du travail en éducation et formation, transformé par le numérique est investie par le champ de la clinique de l’activité, l’ergonomie, de la santé mentale, du management, mais aussi de la sociologie critique, de la didactique, de la communication, de la géographie, etc. Dans la suite des propositions faites par le collectif Kairos, et des précédentes éditions, ce colloque cherchera à donner à voir la nécessaire pluridisciplinarité et ses conditions de possibilité pour envisager la thématique proposée. 

Comment les approches critiques du numérique en éducation et formation se saisissent-elles de cette thématique ? Que peut-on dire de la place pour l’autonomie des acteurs, de leur pouvoir d’agir ? Dans les recherches sur le numérique2 et le travail des enseignants, des élèves, des personnels d’encadrement, quelle actualisation des catégories de description et d’analyse telles que l’épreuve ? les inégalités ? Les rapports de pouvoir ? Que peut-on dire du risque de renforcement des inégalités ?

Axe 1 Professionnalités et vie au travail

Les enseignants, les formateurs, les agents administratifs, le personnel d’encadrement sont confrontés à la nécessité de la prise en compte du numérique dans leur activité professionnelle. Que cette nécessité relève d’une injonction, d’une conviction personnelle ou collective ou d’une contrainte contre laquelle les acteurs peuvent lutter ou non. Chacun des acteurs mentionnés a à faire avec le numérique pour son travail : de la conception de ses cours, au dialogue avec son administration/ses collègues/les familles, à la gestion de son planning en passant par les devoirs et les évaluations. Que change le numérique à ces activités ? À leurs conditions de réalisation matérielles et cognitives mais aussi sociales ? Le déploiement des outils du Web 2 dit collaboratif a-t-il rempli sa promesse de permettre un travail d’équipe simple et fluide ? Quid des compétences en littératie numérique de ces professionnels ?

L’utilisation du numérique pour faire son travail redessine les espaces, les temps, les modalités et reconfigure ainsi les inégalités, voire les renforce. Dans les établissements scolaires, les outils de communication entre les acteurs sont nombreux et rendent poreuses les frontières classiques de la forme scolaire. Ces technologies affichées comme facilitatrices, faisant gagner du temps et de l’énergie, outil de continuité, peuvent aussi être considérées comme des outils de contrôle et de mise en tableaux incessants de la relation éducative, épuisant les ressources individuelles et collectives. Peut-on mettre au jour les processus en jeu, les analyser ? De quelle manière ? Pour en construire la mise à distance ? Les métiers de l’enseignement et la formation dits adressés à autrui renvoient à des thématiques du soin, du plaisir d’apprendre et d’enseigner, que deviennent-elles dans ce contexte ? (Rosa, 2022, Fleury, 2021)

Comme tous les acteurs sociaux, ces professionnels de l’éducation sont utilisateurs d’outils numériques qui peuvent faciliter l’activité et rendre aussi attrayant un travail parfois peu engageant. S’étendent ainsi les usages d’outils grand public de gestion de projet grand public (Trello, Miro, etc), de partage de contenu (Instagram, Pinterest, etc.) ainsi que de publication (Canva, Prezi…), de communication (Snapchat, Whatsapp, etc.). Alors que se multiplient parallèlement les ressources d’information sur les pratiques et objectifs économiques et politiques des entreprises qui les dirigent, quels sont les enjeux professionnels et éthiques de cette diffusion de pratiques possiblement transgressives (Flichy, 2017) dans une sphère plutôt règlementée qui vise l’éducation aux médias et à l’information des enfants et des jeunes ?

Axe 2 Faire son travail et se former 

Il est difficile pour des enseignants et des formateurs de se positionner de manière étayée et sereine au rythme des développements de nouvelles technologies annoncées comme des révolutions et des innovations, Chatgpt pour le plus récent fait tout autant le miel des technophobes que des technophiles. Le rapport de l’Unesco intitulé « Technology in education, a tool in whose terms ? » (2023) alerte sur de possibles effets négatifs du smartphone pour les apprentissages alors que ces dernières années, sa présence désirée et crainte s’est affirmée dans les établissements et dans les apprentissages. Que permettent de mettre au jour les recherches empiriques ? Quelle analyse de discours critique contribuerait à débusquer les nouveaux visages de l’idéologie ? En quoi les acteurs peuvent s’en saisir pour (re)prendre la main et faire leur travail, comment la recherche peut y contribuer ? (Thémines, Le Guern, 2018)

L’innovation semble pouvoir être à portée de main grâce aux technologies et renvoyer dans le passé les difficultés d’enseignement et d’apprentissage. Cette approche déterministe est perceptible dans l’encouragement, voire l’injonction à des modalités pédagogiques intégrant le numérique et dites innovantes, assurant implicitement la réussite étudiante et scolaire : classe inversée, renversée, hybridation, comodalité. Parallèlement, le développement d’une offre de formation tout numérique (Mooc, Spoc, Magister, etc.) semble correspondre à la remise en cause de la forme scolaire typique de notre vie contemporaine hypermédiatique (Erstad, 2013) et superdiverse (Ollivier, Schneider, 2023) pour que chacun apprenne à son rythme, en tout temps, entre autoformation et certification modulable. Mais cela renvoie aussi à des travaux sur l’industrialisation de la formation (Moeglin, 2016) dont les formes et l’argumentaire se renouvellent. Comment permettre que les technologies soient au service des acteurs, de leur projet et non asservissantes ?

Comment sont reconfigurées les compétences disciplinaires, que devient le travail intellectuel ? Apprendre à lire, à écrire… mais aussi une langue vivante, les sciences du vivant… à l’heure où les apprenants accèdent à des sources d’information qui proposent non seulement des contenus à s’approprier mais aussi des accès à des technologies de collecte de données qui ont les apparences de sources documentaires fiables. Quelle réflexion sur les robots conversationnels, sur les IA génératives ? Les attentes concernant le travail à la maison évoluent-elles pour prendre en compte ces contextes ?

Axe 3 Organisation et pilotage

Dans un contexte de datafication des activités, du développement des tableaux de bord pour une plus grande efficience du pilotage et du suivi des activités, que deviennent la décision, le travail d’équipe, l’élaboration de solutions mises en œuvre par les acteurs humains et qui semblent aujourd’hui déléguées aux machines (Benedetto-Meyeur, Boboc, 2021) ? Qu’est-ce qui leur est véritablement délégué ? Dans le processus de conception, quels scripts sont élaborés pour quelle réorganisation de l’activité ? À des échelles diverses, les logiciels sont les outils rendus nécessaires pour l’évaluation des élèves, pour les affectations dans le supérieur, le pilotage des ressources humaines. L’appui sur des algorithmes pour réduire l’incertitude et pallier la subjectivité est à questionner. Que nous apprend l’investigation de la conception des technologies et de l’appropriation par les acteurs de celles-ci (Collin, Marceau, 2023) ?

À la lumière de la diversité des transformations et des questions, aux difficultés que cela pose aux acteurs, que peut-on dire des compétences nécessaires et actuellement développées par les enseignants, les apprenants et les personnels d’encadrement et d’accompagnement concernant les technologies ? Qui les forme, où et comment ? La littératie numérique, la translittératie, la culture de l’information mises en évidence dans les travaux des deux dernières décennies et qui articulent compétences transversales et technologies par exemple (Liquète, alii, 2017), ont-elles trouvé leur opérationnalisation dans les certifications et modalités de formation successives ? Répondent-elles aux enjeux ? De nouvelles compétences émergent-elles ? Que sait-on de nouvelles formes de fracture numérique ? Comment leur conceptualisation peut aider à transformer des configurations inégalitaires pour les adultes comme pour les plus jeunes ? 

Références bibliographiques

Benedetto-Meyer, M., Boboc, A. (2021). Sociologie du numérique au travail. Armand Colin.

Collin, S., Marceau, E.,« Enjeux éthiques et critiques de l’intelligence artificielle en enseignement supérieur », Éthique publique [En ligne], vol. 24, n° 2 | 2023, mis en ligne le 23 janvier 2023, URL : http://journals.openedition.org/ethiquepublique/7619 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ethiquepublique.7619

Collin, S., Denouel, J., Guichon, N., et E. Schneider, (2022), Le numérique en éducation et formation. Approches critiques, Paris, Presses des Mines

Erstad, O. (2013), Digital Learning Lives, Trajectories, Literacies, and Schooling. Peter Lang.

Fleury, Cynthia, (2021), Le soin est un humanisme, Tracts, Gallimard.

Flichy, P., (2017), Les nouvelles frontières du travail à l’ère numérique, Paris, Seuil.

Liquète, V., de Lourdes Oliveira, I. & Salgueiro Marques, Â. (2017), Les nouvelles cultures de l’information dans les organisations. Communication & Organisation, 51, 5-11.

Rosa, H., (2022), Pédagogie de la résonance. Entretiens avec Wolfgang Endres (trad. de l’allemand par Isis von Plato), Paris, Le Pommier.

Moeglin, P., (dir.) (2016), Industrialiser l’éducation. Anthologie commentée, Presses Universitaires de Vincennes, Collection « Médias ».

Ollivier C., Schneider E., (2023, à paraître), Numérique, évolution de la notion de contexte et pertinence en didactique, Sophie Dufour, Chantal Parpette. Contextes et pratiques langagières en français langue étrangère et seconde, Artois Presses Université.

Thémines, J-F., Le Guern A-L., (2018), Analyse du travail et géographie sociale : des outils pour agir, Londres, ISTE éditions.



1 « objet multidimensionnel conçu sur des fondements techniques tout en étant structuré par des activités, des pratiques, des relations, des discours, des représentations, des enjeux et des intérêts de tous ordres (sociaux, culturels, économiques, industriels, politiques, financiers, etc.) qu’il s’agit de pouvoir objectiver parce qu’ils conditionnent les dynamiques d’innovation ainsi que les conditions de production, de diffusion et d’usage du numérique dans des contextes éducatifs et formatifs » (Collin, Denouel, Guichon, Schneider, 2022)

2 La manière dont ce vocable est compris ne manquera pas d’être explicitée dans les contributions.

Proposer une communication

Proposez votre contribution jusqu’au MERCREDI 13 DÉCEMBRE 2023.

Deux formats de communications sont possibles : communication simple et symposium.

Les propositions se font directement sur ce site via l’espace Mes dépôts, une fois que vous êtes connecté.e.

Communications simples

  • Nom et courriel de l’auteur.e responsable et des co-auteur.e.s, le cas échéant  
  • Titre
  • Résumé de 300/350 mots (excluant la bibliographie)
  • 3 à 5 mots-clés
  • Bibliographie

Symposiums 

Vous devez effectuer une saisie pour le symposium puis une saisie par communication comprise dans le symposium.

  • Nom et courriel de l’auteur.e responsable et co-auteur.e.s (contributeurs du symposium)
  • Titre du symposium
  • Titre de la communication
  • Résumé de 300/350 mots présentant l’axe du symposium + bibliographie
  • 3 à 5 mots-clés
  • 5 contributions maximum

À noter : dans le cas de refus de plusieurs contributions d’un symposium, il pourra être proposé que les autres communications de celui-ci soient maintenues sur le modèle de communication simple.

Rappel 

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